Appel à contribution
On parle désormais volontiers de « culture numérique » sans se demander dans quels cadres, limites et perspectives l’on peut soutenir que la culture se fonde exclusivement/prioritairement sur des technologies. L’expression « culture numérique », à défaut d’une définition des questions politiques et épistémologiques qu’elle pose, laisse supposer qu’a priori dans ce couple, c’est bien « le numérique » qui domine, que l’on s’en félicite ou qu’on le redoute.
Cette substantivisation au singulier, utilisée comme raccourci de l’expression « culture numérique » invite à penser les technologies numériques dans une globalité unifiante. Dans La grande conversion numérique Milad Doueihi définit la culture numérique comme un « ensemble de technologies conjuguées ayant et continuant de produire des pratiques sociales […]» et rappelle que toutes les pratiques, y compris scientifiques sont sommées d’accomplir « une conversion aux deux sens du terme, technique et religieux ». Dans cet élan de conversion, les sciences sociales, pour entrer dans la culture numérique, sont censées alors s’équiper techniquement afin de se durcir scientifiquement.
C’est ainsi que l’on en vient à volontiers valoriser et promouvoir ce que l’on appelle les « digital humanities ». Les technologies numériques feraient ainsi passer les sciences sociales d’une ère pré-scientifique à une ère véritablement scientifique puisqu’elles possèderaient elles aussi les
instruments d’une métrologie, d’une démarche quantitative enfin solide seule à même, suppose-t-on, de fonder une science qui, entre autres, reconsidère en les unifiant les concepts d’information, de connaissance d’une part, les concepts de communication, transmission, de l’autre. L’appel à article que nous proposons aujourd’hui ne vise pas à interroger cet a priori de la culture numérique-ce qui serait en soi d’ailleurs absolument pertinent-, mais bien à en prendre le contre-pied.
Car l’urgence, nous semble-t-il, n’est pas seulement de décrypter l’idéologie scientiste qui sous-tend une telle attitude que de voir comment, concrètement, avec leur(s) culture(s) propre(s), les sciences sociales peuvent également s’emparer « des technologies numériques érigées en culture et les soumettre à la question. En effet, ces dernières ont peut-être encore plus besoin d’être mises en culture, d’être cultivées, que les sciences sociales d’être équipées techniquement.
Autrement dit, ce dossier voudrait faire le point sur des propositions qui visent, au-delà de la sociologie de l’usage, à véritablement questionner, interroger, voire modéliser les technologies numériques, à travers des approches de sciences de l’information et de la communication, des analyses anthropologiques ou de sociologie des techniques qui s’articulent à des perspectives historiques, sémiotiques et de design des dispositifs, qui se veulent toutes critiques. Il s’agit d’adopter un point de vue épistémologique, entre bilan et programme, sur ce qui a déjà été proposé, ou pourrait l’être, comme concepts et/ou catégories spécifiques à travers lesquelles il devient possible de penser les technologies numériques.
Car les sciences sociales n’ont pas à entériner le complexe d’infériorité qu’une certaine idéologie numérique tente de leur faire assumer. Elles savent problématiser mieux que quiconque et c’est bien là que réside la spécificité la plus forte et la plus précieuse de leur démarche. Cette compétence en matière de problématisation peut et, croyons-nous, doit être appliquée aux technologies numériques comme à tout autre objet.
Bref, les sciences sociales –et singulièrement les différents courants des SIC- doivent participer à augmenter les technologies numériques par une culture autour des TIC qui sache les mettre à distance en interrogeant leurs catégories et leurs systèmes sémiotiques, par une double contextualisation anthropologique et historique sans oublier une mise en évidence de leurs enjeux politiques. La construction de ce savoir est en plein développement, c’est pourquoi ce dossier voudrait faire le point sur ces travaux, ces propositions, ces projets également (dans une perspective plus programmatique qui ouvre des pistes de recherche pour l’avenir). Il ne s’agit pas de s’opposer aux digital humanities, mais de travailler à un rééquilibrage qui, face à la technicisation des sciences sociales (qui a manifestement le vent en poupe), vise à cultiver, sur le mode des sciences sociales, les technologies numériques.
Organisation scientifique
La réponse à cet appel se fait sous forme d’une proposition livrée en fichier attaché (nom du fichier du nom de l’auteur) au format doc, odt ou pdf, composée de 2 parties :
– un résumé de la communication de 4 000 signes maximum, espaces non compris,
– une courte biographie du (des) auteur(s), incluant titres scientifiques, terrain de recherche, positionnement scientifique (discipline dans laquelle le chercheur se situe), section de rattachement.
La proposition est envoyée par courrier électronique à Pascal Robert et à Nicole Pignier : pascal.robert@enssib.fr ; nicole.pignier@gmail.com avant le 1 mars 2015.
La réception de chaque proposition donnera lieu à un accusé de réception par mail.
Calendrier
– 1 mars 2015 : date limite de réception des propositions
– 1er avril 2015 : avis aux auteurs des propositions
– 1er juin 2015 : remise des articles
– Du 1er juin au 1er septembre 2015 : expertise en double aveugle et navette avec les auteurs
– 15 octobre 2015 : remise des articles définitifs
– 15 novembre 2015 : sortie prévisionnelle du numéro
Modalités de sélection
Un premier comité de rédaction se réunira pour la sélection des résumés et donnera sa réponse au plus tard le 1er mars 2015.
L’article complet écrit en français ou en anglais et mis en page selon la feuille de style qui accompagnera la réponse du comité (maximum 25000 signes espaces compris) devra être envoyé par les auteurs en deux versions : l’une entièrement anonyme, l’autre normale, par courrier électronique avant 1er juin 2015.
Un second comité international de rédaction organisera une lecture en double aveugle et enverra ses recommandations aux auteurs au plus tard le 1er septembre 2015.
Le texte définitif devra être renvoyé avant le 15 octobre 2015.
Les articles qui ne respecteront pas les échéances et les recommandations ne pourront malheureusement pas être pris en compte.
Pour toute question, contacter Pascal Robert ou Nicole Pignier :
Interfaces numériques est une revue scientifique publiée chez Lavoisier
sous la direction de Benoît Drouillat et Nicole Pignier.
Présentation de la revue :
ou

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Zone contenant les pièces jointes

 

Posted by ptreguer